Chapitre 8 : La gestion d'atelier par les contraintes
I- Introduction :
Nous
avons souhaité présenter ici quelques éléments de réflexion sur une théorie de
management industriel apparue aux Etats-unis
dans le dernier quart du xxe siècle. il s’agit de la théorie OPT
(pour Optimized Production Technology) qui est le résultat des travaux de e.m Goldratt.
Que pour
bien signifier gérer un atelier par ses contraintes ? Qu’est-ce qui est
une contrainte dans un atelier ? La mauvaise humeur de son
responsable ? Eh bien non ! Une contrainte s’exprime en termes de
capacité de production insuffisante, et plus précisément en termes de goulet
d’étranglement.
Qu’est-ce
alors qu’un goulet d’étranglement ?
Un goulet
d’étranglement est donc une ressource de production, quelle qu’elle soit, dont
la capacité de production ne permet pas de répondre aux besoins du marché.
Toute
l’approche de la gestion d’atelier par les contraintes va consister à montrer
que les goulets déterminent totalement les règles et les conditions de la
production dans l’entreprise.
II- Les contraintes et le pilotage de l’atelier :
1- Quelques remarques préalables :
Chaque fois que nous serons amenés à
utiliser le terme « capacité », nous l’emploierons pour parler de la capacité
démontré de la ressource. C’est la capacité réelle qui tient compte des
pannes et de tous les aléas divers pouvant se produire sur la ressource.
Remarque : La cadence d’une ligne de production étant
donnée par le poste le plus lent de cette ligne, c’est le poste « le plus
goulet » qui pilotera la ligne.
2. Equilibre des capacités, équilibre du flux :
La recherche de l’équilibre est bien
difficile à réaliser car, comme nous l’avons montré précédemment, on connaît
mal les capacités.
Chaque poste est soumis à
des aléas divers.
Ces
aléas ne se produisent en général pas tous en même temps sur tous les postes de
la ligne.
On peut alors observer un phénomène d’accumulation des
aléas qui va générer un accroissement des délais, donc des retards, et le
client ne sera pas satisfait !
La logique de gestion par les contraintes préconise
donc de ne pas chercher à équilibrer les capacités, mais de les utiliser telles
qu’elles sont, de manière à créer un flux adapté à la demande.
Il faut donc chercher à équilibrer le flux et non les capacités
Cette démarche conduit à maintenir dans
les ateliers une situation de déséquilibre. La gestion par les contraintes va
cherche à faire fonctionner au mieux les ateliers dans cette situation de déséquilibre.
3- Niveau d’utilisation d’un poste non-goulet :
D’après ce qui vient d’être énoncé, on
peut constater qu’il y a deux types de ressources dans un atelier :
·
les ressources goulets, ressources dont la capacité est inférieure à la
demande du marché ;
·
les ressources non-goulets, ressources dont la capacité est supérieure
à la demande du marché.
Supposons une ligne de production composée de deux
ressources :
·
x
ressource goulet de capacité 100 pièces à l’heure ;
·
A ressource non-goulet de capacité 120 pièces à l’heure.
Supposons
que la ressource X alimente, dans la ligne, la ressource A (figure ci-dessous).
Ligne de production à goulet
Le
goulet ayant une capacité limitée à 100 pièces par heure, on ne pourra jamais
transférer plus de 100 pièces par heure au niveau de A ; on ne pourra donc
jamais produire plus de 100 pièces par heure au niveau de A, même si sa
capacité devrait lui permettre de produire davantage. On peut observer que la
production d’un poste aval dépend elle aussi toujours de la capacité de production
d’un poste amont, si celui-ci a une capacité inférieure à celle du poste aval.
Le niveau d’utilisation d’un non-goulet
n’est pas déterminé par son propre potentiel, mais par d’autres contraintes du
système.
Cette considération est prendre très sérieusement
en compte, car elle modifie sensiblement la perception que l’on peut avoir de
la productivité d’un poste de production.
Donc, il est nécessaire de prendre en
compte toutes les contraintes d’un système pour connaître en maîtriser le
niveau d’utilisation possible des postes non-goulets.
Remarque :
L’utilisation et le plein emploi d’une ressource ne doivent donc pas être
synonymes.
Chaque poste de production s’intègre
dans un système plus global qui lui impose son fonctionnement. Cette idée est à
retenir pour essayer d’organiser et de faire fonctionner au mieux le système de
production de l’entreprise.
Remarque :
Les goulets déterminent à la fois le débit de sortie
et les niveaux de stocks.
Les goulets sont donc les contraintes à partir desquelles
il faut piloter la production.
4- Les autres axes du pilotage des ateliers par les contraintes :
1- la notion de lot de transfert, la notion de lot de
fabrication :
Bien
souvent, dans les ateliers, on a tendance à confondre les notions de lot de
transfert et de lot de fabrication.
· Le lot de transfert est la
quantité qui est transférée d’un poste à
un autre.
· Le lot de fabrication est la
quantité de pièces bonnes produite entre deux changements de série.
Remarque :
Souvent le lot de transfert ne doit pas
égal au lot de production.
|
2- La détermination des tailles de lots de fabrication dans une gestion
par les contraintes :
Quand on cherche à déterminer la taille
des lots de fabrication dans l’entreprise, on appliquer en général une démarche
proche de la démarche de la quantité économique avec tous les problèmes que
l’on connaît… On recherche en effet une taille de lot qui permet de
rentabiliser le coût du réglage effectué pour réaliser la fabrication.
Par ailleurs, la taille de lot retenue
continuera à être utilisée sans modification chaque fois qu’on devra fabriquer
ce produit.
Cette situation est aujourd’hui
utilisée par toutes les entreprises qui utilisent des logiciels de GPAO de type
MRP, c’est-à-dire plus de 80 % des entreprises françaises.
Or, il ne peut y avoir ajustement entre
la taille de lot et la quantité demandée que si les temps et donc les coûts de
réglages sont très faibles et si le système de gestion informatique de
l’entreprise fonctionne en lot for lot ; c’est-à-dire en taille de lot =
besoin net.
Le système de gestion par les
contraintes préconise un système où les lots de fabrication doivent être
variables.
3- La détermination des délais de fabrication :
Quand on cherche à déterminer le temps
de fabrication d’un lot de pièces sur un poste de production, on utilise en
général les composantes suivantes :
·
temps de préparation du poste (P) ;
·
temps gamme d’exécution pour une pièce (U) ;
·
quantité de pièces dans le lot (Q) ;
·
temps d’attente moyen estimé du lot de pièces avant passage sur le
poste de production (A) ;
·
temps de déplacement moyen
estimé d’un poste à un autre (D).
on a alors le temps de fabrication sur le poste
(F) :
F = P + Q x U + A + D
|
Ce temps, estimé une fois pour toutes,
est inséré dans le logiciel de gestion de production et tous les calculs
d’ordres de fabrication sont effectués avec ce temps-là.
Le temps réel de fabrication, quant à
lui, est différent du temps estimé F. il
est en particulier fonction des contraintes du système de
fabrication : panne, opérateur absent, dérive de la machine… les contraintes sont différentes d’un
moment à l’autre, d’un jour à l’autre.
Dans une gestion traditionnelle par
MRP, on fige un délai estimé qui ne correspond en rien aux contraintes du système
de production à un instant donné.
Cette situation est
absurde et la gestion par les contraintes préconise d’établir les programmes en
prenant en compte toutes les contraintes simultanément, les délais de
fabrication étant le résultat d’un programme et ne pouvant être prédéterminés.
5- La gestion de l’entreprise :
Dans ce domaine, la gestion par les
contraintes nous fait observer que la somme des optimums locaux n’est pas
l’optimum du système global.
Dans une entreprise, on peut dire que
ce n’est pas parce que chaque personne, chaque atelier, chaque service de
l’entreprise est efficace, que l’on a une entreprise globalement efficace.
Il faut chercher à faire en sorte que
dans l’entreprise toutes les personnes travaillent dans un même but
commun : la stratégie de l’entreprise, et tirent l’entreprise dans le même
sens.
Pour cela deux éléments ont indispensables
et décisifs, source de l’optimum du système global. Il s’agit du déploiement
stratégique et du travail ensemble.
III- Mise en œuvre de la gestion d’atelier par les contraintes :
1- Les étapes préalables :
A- La formation du personnel :
La gestion d’atelier par les
contraintes se traduisant par une conception de l’entreprise très différente de
la conception traditionnelle, il est tout à fait souhaitable de commencer par
former, ou au moins informer, le personnel de la nouvelle manière d’appréhender
les problèmes dans l’entreprise.
B- Les actions de progrès :
On retrouve ici toutes les actions
préconisées par la philosophie Lean Production mais appréhendées sous
l’angle de la gestion par les contraintes. Nous avons déjà précisé la manière
d’envisager le SMED et la maintenance préventive par les goulets ; nous
allons maintenant décrire simplement la manière d’envisager les contrôles
qualité sur les goulets.
Dans une démarche juste-à-temps, on
cherche à développer l’autocontrôle et la maîtrise des procédés afin d’empêcher
que ne se propage toute non-qualité.
Si l’on applique ces concepts dans une
démarche par les contraintes cela va se traduire de la manière suivante :
· on va tout d’abord effectuer des contrôles qualité sur
la machine qui précède le goulet, pour ne faire passer sur le goulet que des
pièces bonnes et ne pas lui faire perdre de la capacité sur des pièces ces déjà
mauvaises.
· On va ensuite développer la
recherche de la maîtrise des procédés sur le poste goulet et sur les postes qui
le suivent dans la ligne de production.
· Sur tous les autres postes de la
ligne, tous les postes qui précèdent le poste précédent lui-même le goulet, on
n’a pas besoin d’une action particulière à court terme en qualité puisqu’ils
ont une capacité suffisante pour compenser la fabrication de rebuts.
Toutes les actions de progrès de type juste-à-temps ou
non doivent donc être envisagées selon l’aspect goulet.
2- La détection des goulets :
On dispose de différents moyens pour
détecter les goulets dans un atelier :
· Une machine dont les stocks
situés en amont sont importants est très probablement un goulet. Cependant, les
stocks liés à une machine ne sont pas toujours situés à proximité de celle-ci,
pour des raisons d’encombrement.
· Si on recherche les produits
finis qui sont livrés constamment avec du retard, on constate bien souvent
qu’ils sont fabriqués sur… une ou plusieurs machines goulets.
3- Le pilotage de l’atelier par les contraintes :
Il existe un type d’organisation
d’atelier par les contraintes, comme il existe un type d’organisation Kanban.
La présence d’un goulet dans une ligne
de production a les conséquences suivantes :
·
La production est déterminée par la capacité du goulet.
·
Il se crée devant le goulet un stock généralement impossible à résorber
sauf en arrêtant périodiquement l’ensemble des machines situées en amont du
goulet.
Pour
éviter l’existence de ce stock, la gestion par les contraintes propose un
système d’information liant les approvisionnements ou la ressource située le
plus en amont sur la ligne à la ressource goulet.
La
quantité de matières premières approvisionnée ou a fabrication du premier poste
de la ligne sera égale à la quantité qui pourra être traitée par le goulet du
fait de sa capacité limitée.
Ce
système d’information peut être matérialisé de différentes manières, par
exemple, à l’instar du Kanban, par une circulation d’étiquettes, mais circulant
uniquement entre le poste goulet qui réalise l’appel de l’aval et le premier
poste de la ligne ou les approvisionnements.
IV- Conclusion :
La méthode de pilotage de l’atelier par
les contraintes utilise de nombreux concepts d’autres philosophies ou d’autres
méthodes comme le lean Production, la MRP2 ou l’ordonnancement
classique, mais en les exploitant à la manière de la gestion par les
contraintes. Elle nécessite une approche de l’entreprise par ses goulets
d’étranglements.
Chapitre 8 : La gestion d'atelier par les contraintes
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