Chapitre 2 : La gestion budgétaire de la production
Après avoir établi le programme des ventes, il est
nécessaire d’adapter le programme de production à la demande prévisionnelle et
d’effectuer les ajustements nécessaires. La gestion budgétaire de la production
comprend trois étapes :
- la détermination du programme optimal de production
à l’aide d’outils mathématiques ou informatiques ;
- l’élaboration du budget de production, en terme de
moyens, conforme au programme de production et valorisé par les coûts
préétablis des produits ;
- le contrôle budgétaire de la production effectué à
partir de l’analyse des écarts entre les réalisations et les prévisions.
I) Le programme de production :
Généralités :
Une organisation performante de la gestion de la
production doit répondre à plusieurs objectifs :
-
Maîtriser les flux des
matières, des composants, entrant dans le processus de production, et des
produits ;
-
optimiser les capacités de
production ;
-
organiser le travail selon le
choix stratégiques adoptés (intégration, sous-traitance, externalisation…) ;
-
améliorer la qualité des
produits ;
-
minimiser les
coûts ;
-
réduire les délais
(approvisionnements, production, stockage…) ;
-
satisfaire la clientèle, en
adaptant rapidement les capacités de production à l’évolution de la demande.
En conséquence, l’entreprise doit rechercher, en
univers certain, le meilleur programme de production possible, c’est-à-dire
celui qui permet :
→d’utiliser pleinement les capacités de
production (équipement, main-
d’œuvre…) sous certaines contraintes
(commerciales, techniques et humaines)
11
|
Pour
déterminer ce programme de production optimal, l’entreprise utilise plusieurs
outils mathématiques et informatiques, dont la gestion de la production
assistée par ordinateur (GPAO).
La programmation linéaire :
a) Définition :
La
programmation linéaire est une technique qui permet d’estimer le programme de
production optimal.
Un
programme linéaire est composé :
- de variables positives ou nulles qui sont inconnues (le
nombre de produits à fabriquer par exemple) ;
- d’une fonction économique à optimiser représentée par une équation
correspondant soit à u résultat à maximiser (la marge sur coût variable par
exemple) soit à un coût à minimiser ;
- de contraintes traduites par des inéquations linéaires qui
expriment :
·
le nombre de produits maximal ou minimal à
fabriquer ou à vendre ;
·
la consommation de facteurs rares de
production (matière, heure machine…) des variables en tenant compte des
limitations.
Le programme linéaire est
présenté sous forme canonique.
La résolution
du programme linéaire consiste à calculer la valeur des variables qui optimise
la fonction économique.
b) La résolution graphique :
Le
programme linéaire peut être représenté graphiquement lorsqu’il n’existe que deux
variables.
Le graphique permet de visualiser :
- chaque contrainte correspondant à un demi-plan délimité par une
droite ;
- la zone d’acceptabilité des contraintes
représentée par un polygone ;
- le point optimum qui se situe à l’intersection
de deux
droites ou sur un des sommes du polygone.
c) Application :
1) Enoncé :
Une
entreprise fabrique 2 produits T et U dont la marge sur coût variable unitaire
est respectivement de 240 dh et de 350 dh. Les éléments suivants sont fournis,
sachant que l’objectif recherché est de maximiser (MAX) la marge sur coût
variable (MCV) :
Eléments
|
T
|
U
|
Maximum
|
|
Consommation de matière par unité
Matière première
Heure machine
|
10 000
6 kg
3 heures
|
10 kg
2 heures
|
150 000 kg
42 000
heures
|
2) La présentation du problème :
·
variables
x = quantité de T à
fabriquer
y = quantité de U à
fabriquer
·
Fonction économique
[240 T + 350 U] = MAX MCV
·
Contraintes
y ≤ 0
x ≤ 10 000 → contrainte commerciale
6x
+ 10y ≤ 150 000 → contrainte de
production : matière
3x
+ 2y ≤ 42 000 → contrainte de
production : heure machine
3) La représentation graphique :
·
Droites
D1 : x = 10
000 ; D2 : x = 6x + 10y = 150 000 ; D3 :
3x + 2y = 42 000
Le point N situé à
l’intersection des droites des deux contraintes de production correspond à la
saturation de ces contraintes pour x ≈ 6 667 et y = 11 000.
·
Recherche de l’optimum
Il suffit de
calculer la valeur de la fonction économique pour les points correspondant aux différents
sommets :
-
pour le point M : (240 x 0) + (350 x 15 000) =
5 250 000
-
pour le point N : (240 x 6 667) + (350 x 11 000) = 5 450 080
-
pour le point O : (240 x 10 000) + (350 x 6 000) = 4 500 000
la marge
sur coût variable la plus élevée s’obtient au point N. le programme optimum
correspond à la production de 6 667 produits T et de 11 000 produits U.
·
vérification de la saturation
des contraintes
- contrainte
de production matière : (6 x 6
667) + (10 x 11 000) = 150 000 (saturation)
- contrainte de production heure machine : (3 x 6 667) + (2 x 11 000)
= 42 000 (saturation)
d) La résolution par la méthode du
simplexe :
La
méthode du simplexe s’applique quelque soit le nombre des variables. La résolution du programme
linéaire s’opère en trois étapes principales :
transformer
|
→
|
les
inéquations de contraintes en équations, en introduisant dans chacune d’elles
une variable d’écart (e), de coefficient 1, qui représente une capacité
commerciale ou de production inemployée.
|
présenter
|
→
|
dans un tableau la solution de base par laquelle
les variables (x et y) sont égales à 0 et les variables d’écart égales à la
valeur de saturation de la contrainte.
|
améliorer
|
→
|
progressivement la solution de base par une suite
d’itérations pour aboutir à la solution optimale. La démarche est la
suivante :
-
entrer dan la solution la variable (x ou y) dont le coefficient est le plus
élevé dans la fonction économique ;
-
sortir de la solution la variable d’écart (e) dont le rapport :
(Valeur
de la contrainte / Coefficient) → est le plus faible sans être négatif ;
-
calculer la valeur de la nouvelle solution (détail du calcul présente dans
l’application).
|
e- Application :
1) Enoncé :
Le
programme linéaire des deux produits T et U est le suivant :
14
|
- contraintes -
fonction économique :
y ≤ 0
x ≤ 10 000
6x
+ 10y ≤ 150 000
2) Les équations avec variable
d’écart :
6x + 10y + e2 =
150 000
3x + 2y + e3 = 42
000
[240 T + 350 U] = MAX MCV
3) Le tableau relatif à la solution de
base :
Variables
|
x
|
y
|
e1
|
e2
|
e3
|
Valeur des
variables
|
e1
e2
e3
|
1
6
3
|
0
10
2
|
1
0
0
|
0
1
0
|
0
0
1
|
10 000
150 000
42 000
|
MCV
|
240
|
350
|
0
|
0
|
0
|
0
|
4) La première itération :
Variables
|
x
|
y
|
e1
|
e2
|
e3
|
Valeur des
variables
|
Rapport
|
|
e1
e2
e3
|
1
6
3
|
0
10
Pivot
2
|
1
0
0
|
0
1
0
|
0
0
1
|
10 000
150 000
42 000
|
10 000/0 = + ∞
150 000/10 = 15 000
42 000/2 = 21 000
|
|
MCV
|
240
|
350
|
0
|
0
|
0
|
0
|
Variable entrante
Y se substitue à e2 ;
les coefficients de la colonne e2 doivent donc apparaître dans la
colonne y.
Tous les coefficients
apparaissant sur la ligne du pivot doivent être divisés par ce dernier. On obtient :
0,6 ; 1 ; 0 ; 0,1 ; 0 ; 15 000.
On constate qu’un 1 apparaît
à la place du pivot. Il faut faire figurer un 0 dans les autres lignes de la
colonne du pivot :
- ligne e3 : pour obtenir 0 à la place de 2, on retranche à la ligne e3
(e2/10) 2
15
|
On
obtient le nouveau tableau suivant :
Variables
|
x
|
y
|
e1
|
e2
|
e3
|
Valeur des
variables
|
e1
y
e3
|
1
0,6
1,8
|
0
1
0
|
1
0
0
|
0
0,1
-0,2
|
0
0
1
|
10 000
15 000
12 000
|
MCV
|
30
|
0
|
0
|
0
|
-35
|
-5 250 000
|
La
solution est : x = 0 ; y = 15 000 ; e1 = 10
000 ; e3 = 12 000
Cette
solution est améliorable puisque la ligne MCV comporte une valeur positive.
5) La deuxième itération :
Variables
|
x
|
y
|
e1
|
e2
|
e3
|
Valeur des
variables
|
Rapport
|
|
e1
y
e3
|
1
0,6
1,8
pivot
|
0
1
0
|
1
0
0
|
0
0,1
-0,2
|
0
0
1
|
10 000
15 000
12 000
|
10 000/1 = 10 000
15 000/0,6 = 25 000
12 000/1,8 = 6 667
|
|
MCV
|
30
|
0
|
0
|
0
|
-35
|
-5 250 000
|
Variable entrante
x se substitue à e3 ;
les coefficients de la colonne e3 doivent donc apparaître dans la
colonne x.
En appliquant les règles de
calcul identiques à celles présentées pour la première itération, on aboutit au
tableau ci-dessous :
Variables
|
x
|
y
|
e1
|
e2
|
e3
|
Valeur des
variables
|
e1
y
x
|
0
0
1
|
0
1
0
|
1
0
0
|
-0,11
0,03
-0,011
|
-0,56
-0,34
0,56
|
3333
11 000
6 667
|
MCV
|
0
|
0
|
0
|
-3,30
|
-51,80
|
-5 450 000
|
La
ligne MCV ne comporte que des valeurs négatives, la solution optimale est donc
atteinte.
La
solution optimale est : x = 6 667 produits T ; y = 11 000 produits
U ; e1 = 3 333 car la contrainte commerciale est de 10 000
produits T (10 000 – 6 667 = 3 333)
MCV =
(240 x 6 667) + (350 x 11 000) ≈ 5 450 000
Une
résolution informatique, plus simple et plus rapide, est possible grâce à
l’utilisation d’un module spécifique intégré dans les logiciels tableurs.
16
|
Le programme des composants :
a) Principe :
Une
fois le programme de fabrication établi, à partir des prévisions de ventes, il
faut planifier les besoins (quantités, délais de disponibilité) en composants (ensembles, sous-ensembles,
pièces, matières premières) pour fabriquer les produits afin de gérer au mieux
les stocks et les flux de composants nécessaires. L’entreprise élabore à cet
effet des documents tels que : les nomenclatures et les gammes de fabrication qui fournissent l’ensemble
des informations techniques sur la fabrication d’un produit (la nature, le
code, la quantité des composants utilisés aux différents stades de la
production avec les temps de fabrication…).
b) Le calcul des besoins en composants :
le calcul des besoins en composants, en
fonction des ventes futures et sur la durée du processus de production, peut
s’effectuer à partir des nomenclatures par une suite de multiplications
de matrices.
Par
exemple, le calcul des besoins en ensemble E1, E2 dont le
délai d’assemblage est de 2 mois, pour 2 produits X, Y en fonction des ventes
prévisionnelles du premier trimestre est le suivant :
- matrice nombre d’ensemble par produit : MPE ;
- matrice commandes prévisionnelles (en
milliers) : MCP.
Besoins
en ensembles = (MPE) x (MCP).
MPE MCP
X Y J F M N D J
E1 2
2 X 3 4
2 E1 10 10 10
x =
E2 1
2 Y 2
1 3 E2 7
6 8
Pour
les commandes de janvier, les ensembles E1 et E2 doivent
être disponibles en novembre à raison de :
(2
E1 x 3 X) + (2 E1 x 2 Y) = 10 E1
(1
E2 x 3 X) + (2 E2 x 2 Y) = 7 E2
Le
raisonnement est identique pour les commandes de février et mars.
Des progiciels
MRP (management
des ressources productives) sont utilisés par les entreprises pour gérer, avec
précision, la fabrication prévisionnelle de produits nécessitant plusieurs
niveaux de nomenclatures ainsi que de nombreux composants dont les stocks
dépendent les uns des autres.
17
|
c) La gestion des goulots
d’étranglement :
Un
goulot d’étranglement apparaît lorsque l’entreprise constate un manque de
capacités productives
ou des facteurs rares de production (approvisionnement, temps d’utilisation des postes de
travail…) pour faire face aux besoins de production.
L’évaluation
du manque de capacité s’effectue par différence entre les capacités
nécessaires et les capacités disponibles pour chaque produit et pour chaque
étape ou poste de travail du processus de fabrication.
Le
goulot d’étranglement doit être géré de façon optimale, ce qui consiste pour
l’entreprise à établir le programme de production en privilégiant la production
du produit qui dégage une marge sur coût variable par unité de goulot
d’étranglement supérieure aux autres produits.
Marge sur coût variable par Marge sur coût variable par produit
unité de goulot d’étranglement =
nombre d’unités de goulot d’étranglement
par produit
Le
programme des ventes sera ajusté en conséquence.
L’ordonnancement des tâches de production :
La gestion de la production consiste
également à établir des calendriers (dates, durées) pour ordonner l’ensemble
des tâches d’un projet de fabrication et déterminer la durée totale de sa
réalisation.
Les techniques d’ordonnancement ont
pour objectif :
→ d’assurer le plein emploi
des moyens ;
→ de minimiser les coûts.
Ces techniques font l’objet du chapitre « L’ordonnancement
d’un projet ».
Ln gestion des stocks de produits :
L’organisation de la production peut
être gérée :
- en
flux tendus : absence de stocks, d’après la méthode juste à temps (JAT) ou
Kanban ;
- en
présence de stocks qui permettent de réguler les flux tout au long du
processus de production et de satisfaire la demande ;
-
avec une combinaison des deux en fonction des activités.
La gestion des stocks entraîne des
coûts tels que :
-
le coût de lancement de la fabrication des lots ;
-
le coût de stockage.
L’objectif de l’entreprise est de
minimiser ces coûts tout en détenant en stock les quantités suffisantes pour
faire à la demande.
18
|
Le contrôle de la qualité :
Le contrôle de la qualité est devenu un
élément essentiel de la gestion de la production ; il doit s’effectuer
tout au long du processus de production.
L’entreprise doit avoir comme objectif zéro
défaut afin d’améliorer le produit, de minimiser ses coûts, de générer de
la valeur et de satisfaire au maximum sa clientèle.
Il existe plusieurs outils et méthodes
pour gérer la qualité (méthodes statistiques, diagramme de Pareto, diagramme
cause-effet).
II- La budgétisation de la production :
La budgétisation de la production
permet aux différents responsables de la fonction de production de chiffrer le
programme de production et de le ventiler en plusieurs budgets selon les
besoins de l’entreprise.
Les
différents budgets de production peuvent être consolidés et soumis à la
direction générale pour approbation conjointement au budget général des
ventes afin d’en vérifier la cohérence.
Le chiffrage des budgets de production
s’effectue en coûts standards ou en coûts préétablis de
production ; soit d’après la méthode classique des coûts complets, soit
d’après la méthode des coûts à base d’activités, en distinguant :
- les
charges directes de production (matières, mains-d’œuvre) ; ce qui
permet de connaître pour chaque ventilation les matières à consommer et le coût
budgétaire de la main-d’œuvre directe ;
- les
charges indirectes de production comprenant des charges variables ou fixes
(budgets flexibles) ; ce qui permet de connaître pour chaque ventilation
les charges indirectes de production.
19
|
III- Le contrôle budgétaire :
Le contrôle budgétaire de la
production consiste à confronter :
- les coûts constatés pour la production réelle,
provenant de la comptabilité de gestion (coût de production par produit, par
activité, stocks de produits…) ;
-
aux prévisions issues des
budgets.
Le contrôle budgétaire de production
peut être mené de la manière suivante :
Chapitre 2 : La gestion budgétaire de la production
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