Chapitre 5 : L'analyse dynamique par les flux :Tableau de financement

L’analyse statistique du bilan et du compte de produits et charges (CPC) permet de dégager à un moment donné la logique qui sous-tend l’équilibre financier, avec ses implications sur la structure financière, la solvabilité, la rentabilité et la liquidité. Mais pour comprendre l’évolution de la situation financière de l’entreprise au cours d’une période, il est nécessaire de disposer d’un certain nombre d’informations que les documents comptables classiques (Bilan et CPC) ne restituent pas directement. Citons à titre indicatif : les investissements réalisés, les dettes contractées, les évolutions d’autofinancement ou de distribution …
         Ces flux qui traduisent des orientations majeurs de la politique financière peuvent être mis en exergue par une analyse dynamique qui met l’accent sur l’évolution comparée des emplois et des ressources d’une entreprise au cours d’une période donnée. C’est dans cette logique que s’inscrivent les tableaux de financement et les tableaux pluriannuels de flux financiers dont les méthodes d’élaboration varient énormément selon les pays.
         Le tableau de financement permet de décrire au cours d’une période, coïncident en général avec un exercice, les emplois effectués par une entreprise et les ressources qu’elle a mobilisé pour y faire face, l’objectif étant d’en déduire les implications pour l’équilibre financier de l’entreprise. Ainsi une évolution plus importante des ressources par rapport aux emplois se traduit par une amélioration des stocks de l’équilibre financier et vice-versa.

I- La notion de flux :
Un flux économique traduit un mouvement qui affecte un élément di patrimoine. Tous les flux réels (et non fictifs) qu’ils soient physiques ou financiers se traduisent, à plus ou moins brève échéance, par un mouvement de fonds affectant le patrimoine.

Les différents types de mouvements patrimoniaux peuvent être classés en se référant aux critères suivants :
ü L’incidence sur la position externe de l’entreprise : les flux externes modifient la position de l’entreprise vis-à-vis de ses partenaires externes (alors que les flux internes ne modifient pas cette position)
ü La durée des mouvements : permettant de différencier les flux à court, moyen et long terme
ü La nature des éléments en mouvement : donnant lieu à des flux physiques ou des flux financiers.

Quelque soit le type de flux, il se traduit en terme d’emplois ou de ressources.

II – Notions d’emplois et ressources :

1- La formation des ressources :
         L’analyse par les flux assimile la formation d’une ressource à tout apport nouveau de fonds. Les mouvements patrimoniaux qui se traduisent par l’augmentation d’un élément du passif ou par la diminution d’un élément de l’actif impliquent généralement des encaissements, et donc des ressources nouvelles pour l’entreprise.

2- L’identification des emplois :
         La notion d’emploi de fonds s’applique à toute opération qui requiert un décaissement immédiat ou différé. Les mouvements patrimoniaux qui se traduisent par l’augmentation d’un élément de l’actif ou par la diminution d’un élément du passif impliquent généralement des décaissements, et donc des emplois nouveaux pour l’entreprise.

II – Le tableau de financement marocain :
         Le plan comptable marocain propose un modèle de tableau de financement qui s’intéresse à l’explication de l’évolution de l’équilibre financier de l’entreprise et de sa situation patrimoniale à travers l’analyse de l’évolution comparée du fonds de roulement fonctionnel (FRF) et du besoin de financement global (BFG). Il convient de préciser que la structure du tableau de financement marocain obéit aux principes de l’analyse fonctionnelle préconisée par le CGNC.

III- Présentation du tableau de financement marocain :
         Il comporte deux parties, la première est la synthèse des masses du bilan, la seconde est le tableau des emplois et ressources.

1- La synthèse des masses du bilan :
         C’est un tableau permettant de retracer l’évolution des grandes masses et des soldes d’équilibre financier à partir des montants nets de deux bilans fonctionnels à la fin de deux exercices successifs, avant l’affectation des résultats.




Ce tableau permet de mettre en évidence les variations des masses des bilans fonctionnels entre deux exercices qui se traduisent soit par des emplois financiers ou des ressources financières
Ressource stable
exercice
variation
N
N - 1
emplois
ressources

1. Financement permanent
2. Moins actif immobilier





3. = F R F (A)




4. Actif circulant
5. Moins passif circulant




6. = B F G (B)




7. Trésorerie nette (A – B)





ü Si la variation du financement permanent > la variation de l’actif immobilisé

Þ Variation FRF (A) = ressource nette.

ü Si la variation du financement permanent < la variation de l’actif immobilisé

Þ Variation FRF (A) = emploi net

ü Si la variation de l’actif circulant hors trésorerie > la variation du passif circulant hors trésorerie

Þ Variation BFG (B) = emploi net

ü Si la variation de l’actif circulant hors trésorerie < la variation du passif circulant hors trésorerie

Þ Variation BFG (B) = ressource nette.

la variation de la trésorerie nette s’obtient horizontalement par la différence entre trésorerie actif et trésorerie passif, ou verticalement par la différence entre la variation du FRF et celle du BFG.

2- Le tableau des emplois et ressources :
         La comparaison des variations des postes, en valeurs brutes, de deux bilans successifs permet de faire ressortir les flux net de la période, mais elle ne permet pas de préciser les flux d’encaissement et de décaissements. Ainsi, par exemple si deux bilans successifs font ressortir un accroissement net des dettes de financement entre N et N+1 de 1000, ce montant correspond à un solde et non à un flux. Il est impossible, en l’absence d’informations relatives à l’évolution de l’endettement dans cette période, de savoir le montant des emprunts contractés ou les remboursements effectués.
         De même, le simple examen de deux bilans successifs n’est pas à même de renseigner sur les nouvelles acquisitions ou les cessions des immobilisations dans la période. Comme le montre l’exemple suivant :
Exercice N
Exercice N+1
Matériel et outillage
Amortissements
Valeur nette comptable
21000
1300
8000
Matériel et outillage
Amortissements
Valeur nette comptable
24000
13400
10600

         Par ailleurs :
ü L’entreprise a cédé au cours de l’exercice N+1 un matériel acquis à 2600 et amorti à hauteur de 1800 (soit une VNA de 800).
ü Elle a acheté une machine à 5600.
ü Elle a constitué une dotation aux amortissements pour 2200

Ainsi nous remarquons que la variation de la valeur nette comptable est

10600 – 8000 = 2600

Ce montant ne reflète pas les acquisitions de matériel et outillage qui se sont élevées à 5600.
         Ce montant doit être déterminé comme suit :
ü Investissement = immobilisations brutes de (N+1) + immobilisations brutes cédées en (N+1) – immobilisations brutes de N = 24000 + 2600 – 21000 = 5600

Ou

ü Investissement = immobilisations  nettes de (N+1) + VNA des immobilisations cédées en (N+1)+ dotation aux amortissements de (N+1) – immobilisations nettes de
N = 10600 + 2200 – 8000 = 5600

Même trop simplistes, ces deux exemples montrent qu’il n’est pas possible de procéder à une simple comparaison de bilans successifs pour faire ressortir des flux financiers qui résultent souvent de plusieurs flux opposés. Il est donc nécessaire d’effectuer certains retraitements pour ne retenir que les flux qui se traduisent par des mouvements financiers réels.

ainsi, par exemple, les cessions d’actifs sont enregistrées aux comptes (du poste 651 au Maroc). Lors d’une cession, la plus ou moins value est la différence entre la valeur nette d’amortissement (vna) et le prix de cession. La VNA figure dans les charges non courantes et ne donne lieu à aucun flux de trésorerie, contrairement au prix de cession qui est encaissé. C’est pourquoi la CAF ne prend pas en compte les plus ou moins values calculées ; la VNA est ainsi neutralisée.
On obtient ainsi le tableau des emplois et ressources qui constitue la deuxième partie du tableau de financement marocain. Elle se présente comme suit :

Exercice N
Exercice N-1
I – Ressources stables de l’exercice (flux)
Emplois
Ressources
Emplois
Ressources
Autofinancement (A)




capacité d’autofinancement




-distribution de bénéfices




Cessions et réductions d’immobilisations (B)




 cessions d’immobilisations incorporelles




 cessions d’immobilisations corporelles




 cessions d’immobilisations financières




récupérations sur créances immobilisées




Augmentation des capitaux propres et assimilés (C)




Augmentations de capital, apports




Subventions d’investissement




Augmentations des dettes de financement (D)




(nettes de primes de remboursement)




Total I- Ressources stables (A+B+C+D)




II- Emplois stables de l’exercice (flux)




Acquisition et augmentations d’immobilisations (E)




acquisitions d’immobilisations incorporelles




acquisitions d’immobilisations corporelles




acquisitions d’immobilisations financières




augmentation des créances immobilisées




Remboursement des capitaux propres (F)




Remboursement des dettes de financement (G)




Emplois en non valeurs (H)




total II – Emplois stables (E+F+G+H)




III- Variation du besoin de financement global (BFG)




IV- Variation de la trésorerie




Total général





3- Les retraitements dans le tableau de financement marocain :
         Rappelons que le tableau de financement répond à des préoccupations plus économiques que comptables. Ainsi, pour limiter l’analyse aux flux impliquant des encaissements ou des décaissements, certaines opérations de neutralisations ou reclassements s’imposent. ainsi, on exclut du tableau de financement tous les flux fictifs tels que les écarts de conversions, les écarts de réévaluation ou les virements de compte à compte.
*    Les écarts de conversion actif-passif :
Les augmentations de créances financières en monnaies étrangères dues à une appréciation de ces monnaies doivent être compensées par le poste « écart de conversion passif » y afférent afin de neutraliser cette appréciation qui ne correspond pas à un flux réel. On applique le même raisonnement pour toute diminution de dettes financières libellées en monnaies étrangères. Quant à l’augmentation des dettes financières suite à une évolution défavorable du taux de change, on les neutralise par le poste « écart de conversion actif » qui les concerne.

*    Les écarts de réévaluation :
Par dérogation au principe du coût historique, la réévaluation d’éléments d’actif induit l’inscription au passif d’un montant équivalent dans le poste d’écart de réévaluation. Cette opération patrimoniale n’entraîne aucun flux réel et doit être neutralisées par la contre-passation de l’écriture comptable.

*    Les primes de remboursement des obligations :
Le montant des emprunts obligataires doit être diminué au passif de la valeur nette des primes de remboursement des obligations inscrites à l’actif dans les immobilisations en non valeur.

*    Les virements entre comptes
Ces virements qui n’entraînent pas de flux réels ne doivent pas être retenus comme c’est le cas : de l’augmentation du capital par simple incorporation de réserves, de l’augmentation des capitaux propres sur simple écart de réévaluation, des virements des immobilisations en cours à un poste d’immobilisations définitives, et de la réduction du capital par simple imputation des pertes…

structure du tableau des emplois et ressources :
         ce tableau présente pour deux exercices quatre masses successives :
-         les ressources stables et les emplois stables de l’exercice exprimés en termes de flux ;
-         la variation du BFG et celle de la trésorerie nette exprimées en termes de variation nettes globale.

Les ressources stables de l’exercice comprennent l’autofinancement, les cessions – réductions d’immobilisations, l’augmentation des capitaux propres et l’augmentation des dettes de financement.
Les emplois stables de l’exercice comportent les acquisitions et augmentations d’immobilisations, le remboursement des capitaux propres, le remboursement des dettes de financement, les emplois en non valeurs.
Remarques :
-         Les non valeurs figurent au tableau de financement car elles correspondent à des sorties monétaires.
-         L’état des informations complémentaires (ETIC) fournit les informations nécessaires pour calculer les acquisitions et cessions d’immobilisations.
-         L’autofinancement est calculé par la différence entre la CAF et les dividendes mis en distribution au cours de l’exercice.
-         La CAF s’obtient directement de l’état des soldes de gestion (ESG) ou par la relation : [CAF = Résultat (RNC) + Dotation durables aux amortissements et aux provisions – reprises sur amortissements et provisions – produits de cession des immobilisations cédées au cours de l’exercice + valeur nette aux amortissements (VNA) des immobilisations cédées]
-         Signalons que, contrairement à une procédure d’enregistrement comptable erronée mais très fréquente, le caractère durable d’une dotation tient à l’évènement (passager ou durable) qui a été à la base de sa constitution et non pas l’élément provisionné en soi … !
-         notons aussi que le PCM ne prévoit pas la soustraction de la CAF de la quote-part de la subvention d’investissement relatif à l’exercice !

4- L’utilité du tableau de financement :
·       Le tableau de financement privilégie une approche fonctionnelle qui exprime un équilibre entre la croissance et le risque. Les choix stratégiques doivent permettre de financer la croissance au sens large : investissement de capacité, d’innovation mais aussi augmentation du BFR issu de la croissance du CA. La couverture des emplois stables par les ressources stables n’est pas une condition suffisante pour se couvrir contre un risque de faillite. Il faut que la croissance du FRF soit supérieure à la croissance du BFR de manière à obtenir une trésorerie positive. L’équilibre financier de l’entreprise est alors respecté puisqu’elle pourra financer sa croissance sans détériorer sa trésorerie.
L’équilibre croissance – risque peut être obtenu de manières assez diverses en effectuant :

Une lecture horizontale de la deuxième partie du tableau :
§  Niveau du financement propre d’origine interne : CAF, dividendes ;
§  Niveau du financement propre d’origine externe : augmentation des capitaux propres ;
§  Politique d’endettement : augmentation – remboursement des dettes financières ;
§  Stratégie de croissance interne : acquisition d’immobilisations corporelles – cessions ;
Stratégie de croissance externe : acquisition – cessions ou réduction d’immobilisations financière.
Et une lecture de la première partie du tableau :
§  Gestion des stocks ;
§  Politique de crédit inter –entreprises.

·        Dans une optique anticipative, le plan de financement est un document de même nature que le tableau de financement. A travers des bilans prévisionnels et des projections relatives aux principaux emplois et ressources, il devient alors possible de dégager les tendances lourdes de l’évolution de la situation financière de l’entreprise.
·        Enfin, divers ratios très pertinents pour une analyse fonctionnelle peuvent être dégagés à partir du tableau de financement :
Þ (Autofinancement / Total ressources stables)
Þ (Dettes de financement / Total ressources stables)
Þ (Acquisitions d’immobilisations / Total des emplois stables)
Þ (Distribution / Total des emplois stables)
Þ (Variation FRF / Variation BFG)
Þ (Remboursement des dettes / Autofinancement)

L’analyse tendancielle de ces ratios permet de faire une synthèse des politiques de croissance, d’investissement et de financement de l’entreprise.

5- Les limites du tableau de financement :
         Les limites de ce document relèvent du caractère tronqué de certains de ses concepts, de la difficulté de l’élaboration de sa partie emplois – ressources, et de l’ambigüité de l’analyse proposée.

·                   L’insuffisance des concepts : Le mode de calcul de la capacité d’autofinancement conduit à réintégrer des dotations (ou éliminer des reprises) n’ayant pas réellement u caractère de stabilité ; sans oublier que ce calcul est fait avant rémunération des fonds propres. C’est dire que la capacité d’autofinancement n’est en général qu’un potentiel de trésorerie souvent en déphasage avec la réalité de la liquidité de l’entreprise.
·                   La difficulté d’élaboration : Les nombreux retraitements patrimoniaux à effectuer pour élaborer le tableau de financement nécessitent un système d’information fiable dans l’entreprise ; ce qui ne pourrait être garanti que dans les grandes entités modernes et structurées. Justement, seules ces dernières sont appelées légalement à élaborer des tableaux de financement.

·                   L’insuffisante de l’analyse : L’analyse fonctionnelle par le tableau de financement marocain se focalise sur les cycles longs (emplois et ressources stables) et fait l’impasse sur le cycle de fonctionnement (absence d’un tableau d’emplois et ressources cycliques !) qui constitue pourtant le pivot de l’analyse du besoin de financement globale (BFG)
Þ La trésorerie apparaît comme un reliquat alors que la notion d’excédent de trésorerie d’exploitation (ETE) montre que c’est une donnée structurelle.

Þ Les crédits bancaires à court terme ayant un caractère permanent (revolving de trésorerie notamment), les stocks de sécurité, l’enveloppe permanente des titres et valeurs de placement…, rendent très insuffisants les critères de distinction entre emplois et ressources stables et emplois et ressources cycliques.

Þ En fin, il faut signaler dans le plan comptable marocain l’absence de retraitement des opérations de crédit bail au même titre que l’inexistence de toute différenciation entre les composantes exploitation et hors exploitation dans le BFG.

         face à ces insuffisances du tableau de financement marocain, il convient de proposer un modèle plus élaboré de tableau d’emplois et ressources comme le suggère le plan comptable français.

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