Chapitre 1 : Droit fiscal marocain
Introduction :
L’impôt est un phénomène social lié à l’existence du
pouvoir politique. Il est l’expression de la souveraineté de l’Etat. On dirait
même que l’impôt est né simultanément avec l’Etat.
C’est une prestation pécuniaire importante puisqu’elle
constitue l’essentiel des ressources publiques qui peuvent contenir aussi les
emprunts, etc.
Se limitant au départ à son rôle classique de
pourvoyeur de fonds pour financer, de manière neutre, le budget public, l’impôt
devient une composante importante de la politique macroéconomique de
financement des besoins sociaux, des biens et des services publics, ainsi que
de redistribution et de réduction des inégalités de revenus.
Dans ce chapitre, on abordera les notions
fondamentales de la fiscalité qui ont trait au concept de l’impôt, à la
typologie des impôts ainsi qu’aux divers éléments de la technique fiscale.
L’impôt est une contribution de
plusieurs formes à laquelle on peut assigner plusieurs fonctions.
§ 1. Le concept de l’impôt
A.
Définition de l’impôt
L’impôt est un prélèvement obligatoire
non affecté, opéré par l’Etat ou les collectivités locales à titre définitif,
sans contrepartie directe dans l’objectif d’assurer la couverture des dépenses
publiques et de réaliser d’autres objectifs économiques et sociaux.
Cette définition laisse entendre une certaine égalité
et solidarité dans la contribution aux charges publiques. Les agents (individus
et entreprises) contribuent aux dépenses publiques abstraction faite des
avantages reçus (ou non reçus).
1-
L’impôt est un prélèvement
Cela signifie qu’il s’agit d’un transfert de fonds de
l’agent qui paie vers l’entité qui opère le prélèvement. Ce transfert est
irréversible et définitif.
En ce sens, il diffère des réquisitions en nature
telles que l’obligation du service civil ou du service militaire.
2-
Le prélèvement est obligatoire
Cette obligation entraîne l’application
de sanctions diverses en cas de retard, de faute de paiement ou de fraude dans
la liquidation de l’impôt. En cela, l’impôt diffère de l’emprunt d’Etat qui
n’est pas obligatoire et qui, en plus, fait l’objet de remboursement ultérieur.
3-
L’impôt n’est pas affecté
Le montant de l’impôt collecté est
destiné à financer le budget public sans affectation préalable. Il s’agit d’une
gestion publique dans le cadre du principe de l’unité de caisse qui est un
principe budgétaire de la comptabilité publique appelé souvent : universalité
budgétaire.
4-
L’impôt est sans contrepartie directe
La personne physique ou morale
acquittant l’impôt n’est pas en droit d’exiger des avantages directs ou des
services immédiats en contrepartie des sommes acquittées.
Cette caractéristique permet de
distinguer l’impôt des redevances et des taxes1:
-
Les redevances : Ce sont des sommes réclamées en contrepartie d’un service
public rendu et de manière plus au moins proportionnelle à ce service. A titre
d’exemple on cite la redevance audiovisuelle.
-
Les taxes : Ce sont aussi des rémunérations de services publics mais sans
relation entre le service rendu et le montant des taxes payées. Les taxes sont
payées par l’usager d’un service public à l’occasion d’une prestation
déterminée2.
B-
Objectifs de la fiscalité
On peut assigner à l’impôt trois
objectifs différents :
-
l’objectif de financement des dépenses publiques de l’Etat ;
-
l’objectif de redistribution ;
-
et l’objectif économique.
§ 2. Classification des impôts
Plusieurs classifications sont
possibles. On retient ci-après la classification économique et la
classification distinguant les impôts directs des impôts indirects.
A.
La classification économique des impôts
Cette approche est basée sur la
distinction entre :
-
d’une part, l’origine de la richesse se traduisant par la possession d’un
capital ou d’un patrimoine ou par la perception d’un revenu lié au travail ou à
la propriété.
-
d’autre part, l’emploi de cette richesse par la dépense du revenu ou du
capital.
Il s’agit de définir la matière
économique sur laquelle l’impôt est assis ou ce qu’il est convenu d’appeler la
matière imposable. A ce titre on distingue : l’impôt sur le revenu,
l’impôt sur la dépense et l’impôt sur le capital.
1-
L’impôt sur le revenu
Cet impôt touche l’ensemble des sommes
perçues par une personne pendant une période préalablement définie.
L’impôt sur le revenu est souvent
annuel et progressif. Il est aussi dit personnel.
2-
L’impôt sur la dépense
Cet impôt frappe l’utilisation du
revenu. Il s’agit, au Maroc par exemple, de la taxe sur la valeur ajoutée.
3-
L’impôt sur le capital
Comme
son nom l’indique, cet impôt est assis sur le capital. Il porte sur des
éléments du patrimoine (immeubles, terrains, valeurs mobilières) donnant
naissance à des revenus.
B-
La classification administrative : impôts directs – impôts indirects
Très ancienne, cette distinction tient
à la spécialisation des services fiscaux dans des catégories fiscales bien
précises. Elle a toujours donné lieu à des controverses politiques sur les
mérites respectifs des deux types d’impôts.
La distinction entre les impôts directs
et les impôts indirects n’est pas fixée par la loi. Elle résulte simplement de
la jurisprudence.
De nos jours, cette distinction n’est
ni claire ni pertinente. Mais pour distinguer un impôt direct d’un impôt
indirect, trois critères sont souvent utilisés :
1-
Critère économique
L’impôt direct est celui qui est
supporté définitivement par, le contribuable lui-même et l’impôt indirect est
celui qui est répercuté par le redevable sur une autre personne.
2-
Critère technique
Au niveau de la technique fiscale, un
impôt est dit direct lorsqu’il est permanent et son fait générateur est fixé
par le texte régissant l’impôt en question. L’impôt direct frappe une situation
durable par sa nature. Tel est le cas, par exemple, de l’impôt sur le revenu.
L’impôt indirect est établi, en
revanche, sur des situations qui ne sont pas durables par nature. Il est dit
intermittent. Il en est ainsi des droits d’enregistrement.
3-
Critère juridique
L’impôt
indirect serait par contre tout impôt liquidé par le contribuable et payé
spontanément par lui-même par la simple constatation du fait générateur de
l’impôt. Aucun rôle n’est émis.
Mais en fait, on peut trouver des
impôts directs perçus sans émission de rôle (cas de l’impôt sur les sociétés
payés spontanément par des acomptes provisionnels ou de régularisations
spontanées).
4-
Les impôts directs ou les impôts indirects ?
Bien que fondée sur des critères imprécis, la
distinction impôt direct-impôt indirect demeure une donnée essentielle de la
fiscalité moderne et est encore au centre d’un débat intellectuel dont les
aspects politiques et émotionnels ne sont pas négligeables.
Le choix d’une politique fiscale se basant sur les
impôts directs ou les impôts indirects, lorsqu’il est possible, n’est pas très
aisé. La théorie financière a longuement discuté du problème de choix de la
structure fiscale.
Les politiques mettant l’accent sur les impôts directs
mettent en évidence les avantages de ces derniers et les inconvénients des
contributions indirectes.
Dans la pratique, tous les systèmes
fiscaux recourent à la conjonction de deux types de prélèvements dont les
inconvénients et les avantages réciproques peuvent se compenser.
C-
Autres classifications
En plus de la classification économique
et de la classification administrative, plusieurs autres classifications
existent. On se limite à deux : la première distingue l’impôt réel de
l’impôt personnel, la seconde fait la part entre l’impôt de quotité et l’impôt
de répartition.
1-
Distinction de l’impôt réel et de l’impôt personnel
L’impôt réel est un impôt qui atteint
un bien abstraction faite de la situation personnelle de son détendeur
(personnes à charges, situation financières, etc.). On cite toujours les
timbres fiscaux ou la TVA comme exemple des impôts réels.
L’impôt personnel est, par contre,
censé prendre en compte l’ensemble des conditions économiques, financières et
sociales du contribuable. L’impôt sur le revenu répond parfaitement à cette
définition.
Cette distinction peut paraître ainsi
fictive dans la mesure où finalement c’est toujours une personne (et non un
bien) qui finit par être le contribuable final.
2-
Distinction de l’impôt de quotité et de l’impôt de répartition
L’impôt de quotité est un impôt qui
s’applique à une base imposable et est assorti d’un tarif préalablement
déterminé.
C’est le contraire de l’impôt de
répartition qui est généralement défini à l’avance et réparti ensuite entre les
contribuables en fonction des éléments imposables et souvent sur un territoire
déterminé. Les taux des impôts peuvent alors résulter de cette répartition.
Le système de la répartition a
pratiquement disparu de la fiscalité moderne pour faire place à l’impôt de
quotité.
3-
Distinction de l’impôt proportionnel et de l’impôt progressif
L’impôt proportionnel est un impôt dont
le taux est constant quelle que soit l’importance de la matière imposable.
L’impôt progressif est un impôt dont le
taux varie avec la matière imposable, le taux augmente à mesure que le volume
de la base d’imposition s’accroît.
§ 3. La technique fiscale
L’application d’un impôt suppose la
définition du mécanisme de cet impôt. Cinq notions sont à saisir dans
l’application de tout impôt.
A-
Le champ d’application de l’impôt
La définition du champ d’application
d’un impôt consiste à préciser les personnes imposables, les opérations
imposables et les règles de territorialité.
1-
Les personnes imposables
Ce sont les personnes désignées par la
loi comme contribuables ou redevables de l’impôt.
Ces personnes sont souvent imposables
en fonction des opérations qu’elles réalisent.
C’est le cas par exemple des sociétés
qui sont désignées par la loi régissant l’impôt sur les sociétés. Les sociétés
sont imposées sur les opérations réalisées dans le cadre de leur activité.
2-
Les opérations imposables
Ce sont les évènements ou les actes
ayant trait soit au revenu de la personne imposable, soit à sa dépense ou
encore à son patrimoine.
Ces évènements ou ces actes peuvent
être soit obligatoirement imposable, soit imposable sur option ou encore
exonéré de l’impôt.
3-
Les règles de territorialité
Ces règles délimitent le territoire
auquel s’applique la loi fiscale. Elles prévoient aussi les règles à appliquer
lorsqu’il s’agit de personnes ou de transactions mettant en jeu des pays étrangers.
B-
L’assiette de l’impôt
L’assiette de l’impôt est la base, la
matière sur laquelle repose l’impôt. Asseoir l’impôt consiste alors à
déterminer les éléments constituant la matière imposable (bénéfices, chiffre d’affaires,
revenus, valeur des biens reçus en héritage…) et à fixer les règles
d’évaluations correspondantes. La matière imposable est l’élément économique ou
juridique qui est à la source de l’impôt. C’est le montant auquel s’applique le
tarif de l’impôt.
La base imposable est fonction de la
nature de la matière imposable et de la méthode d’évaluation de celle-ci. Elle
fait souvent l’objet de beaucoup de détail et de précision quant à son
évaluation.
Les législations fiscales prévoient
trois méthodes d’évaluation de la matière imposable, l’évaluation réelle,
l’évaluation approchée et l’évaluation indiciaire.
1-
La méthode de l’évaluation réelle
Elle consiste à déterminer le montant
réel de la matière imposable.
Ce mode d’évaluation, de plus en plus
prôné par les législations fiscales, est appliqué en matière de l’impôt sur le
revenu des entreprises et de la TVA.
2- La méthode de l’évaluation approchée
Suivant ce mode d’évaluation, la base
imposable est déterminée par l’administration de manière approximative.
Le mode d’évaluation approximative, de
moins en moins légiféré ou encouragé, a l’avantage de la simplicité de
traitement et d’évaluation. En plus, avec l’évaluation approchée, on n’a
souvent pas de contrôle.
3-
La méthode de l’évaluation indiciaire
Elle se base sur des critères
extérieurs à la base imposable elle-même. C’est le cas par exemple de
l’évaluation de la valeur locative des bâtiments et équipements en matière
d’impôt foncier : taxe professionnelle, taxe d’habitation et taxe de
services communaux.
C-
La liquidation de l’impôt
Cette
étape vient juste après la détermination de la matière imposable. Elle consiste
à calculer la somme due par le contribuable sur la base de l’assiette qu’il
détient. Cette somme est obtenue par l’application du barème ou du tarif fiscal
à la base d’imposition.
Le tarif est constitué d’un taux
nominal (ou légal), ainsi que d’un certain nombre de dispositions allégeant ou
alourdissant la charge du prélèvement.
Dans la pratique, deux types
d’imposition en fonction du taux nominal peuvent être distingués :
l’imposition progressive et l’imposition proportionnelle.
- L’impôt est dit progressif lorsqu’il croît plus rapidement que la base
d’imposition.
L’impôt sur le revenu est le bon exemple de cette
progressivité.
-
L’impôt est dit proportionnel lorsqu’il croît proportionnellement à la matière
imposable.
Dans ce cas, le taux d’imposition est
constant quelle que soit la base d’imposition. On cite pour exemple l’impôt sur
les sociétés.
La liquidation est effectuée soit par
le contribuable lui-même (cas de l’impôt sur les sociétés et la taxe sur la
valeur ajoutée) soit par l’administration fiscale (cas de l’impôt sur le revenu
et des impôts fonciers).
D-
L’exigibilité de l’impôt
L’exigibilité est la situation,
l’événement ou l’acte qui rend une personne redevable de l’impôt et qui donne
naissance à la dette fiscale envers l’Etat ou la collectivité locale. Ainsi par
exemple l’impôt sur le salaire devient exigible au moment du paiement du
salaire. La TVA devient exigible au moment de l’encaissement du prix de la
vente ou au moment de la facturation.
Très proche de l’exigibilité, la notion
de fait générateur de l’impôt désigne l’événement par lequel sont réalisées les
conditions légales nécessaires à l’exigibilité de l’impôt et qui donne naissance
à l’obligation fiscale.
E-
Le recouvrement de l’impôt
On désigne par recouvrement l’ensemble
des techniques et démarches qui ont pour objectif le paiement de l’impôt. Il
s’agit de la dernière phase consistant à opérer l’encaissement réel de l’impôt
par l’Etat ou les collectivités locales.
Le recouvrement de l’impôt se fait de
trois manières distinctes : l’imposition par voie de rôle, paiement
spontané ou par retenue à la source.
1-
L’imposition par voie de rôle
Le contribuable est appelé par l’administration à payer. Il reçoit
un avis d’imposition ou tout document similaire émanant de la perception
chargée du recouvrement qui désigne souvent sur ledit document la date limite
de paiement.
Le recouvrement par voie de rôle
concerne surtout l’impôt sur le revenu, la fiscalité foncière et la fiscalité
locale.
2-
Paiement spontané de l’impôt
Dans ce cas, le contribuable prépare sa
déclaration fiscale et, sans recevoir de document administratif, s’acquitte de
l’impôt dont il est redevable. Cela ne signifie pas que le paiement dépend de
la bonne volonté du contribuable, et comme l’impôt établi par voie de rôle,
tout paiement spontané non effectué ou effectué avec retard expose son
redevable à des majorations et des pénalités.
La procédure de paiement spontané
concerne surtout l’impôt sur les sociétés et la TVA.
3-
La retenue à la source
Elle consiste à prélever le montant de
l’impôt au contribuable au moment du paiement de celui-ci. C’est la personne
amenée à payer le contribuable (employeur pour salaire, banque pour les
intérêts, société pour les dividendes…) qui est chargée d’effectuer ce
prélèvement au profit de l’Etat ou de la collectivité locale.
F-
Les sources du droit fiscal
La fiscalité, comme la finance,
l’assurance, est créée par des textes sur lesquels elle repose.
La loi a été souvent le moyen privilégié de création
de l’impôt. Cette loi, expression de la suprématie du pouvoir législatif
conduit paradoxalement au développement de règlements, de doctrines et de
circulaires, expression du pouvoir administratif.
En plus de ces deux compétences, le pouvoir judiciaire
joue, en matière fiscale comme en d’autres disciplines, son rôle important et
parfois déterminant dans l’interprétation des textes.
Outre ces sources du droit fiscal, les conventions
fiscales internationales sont d’un usage presque systématique lorsqu’il s’agit
des opérations économiques mettant en jeu deux territoires politiques.
§ 4- Les normes d’un bon système fiscal
Au vu de la littérature en matière
fiscale, les principales normes que devrait respecter un système fiscal sont
essentiellement la neutralité, l’équité, l’efficacité et la simplicité de
l’impôt.
Avec le nouveau contexte de
mondialisation des économies et la tendance à la généralisation des accords
bilatéraux et multilatéraux, notamment de libre échange, un système fiscal
doit, en plus, être en harmonie avec l’environnement international dans lequel
il s’intègre de plus en plus. L’adaptation à cet environnement est une nouvelle
norme d’un système fiscal compétitif.
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Chapitre 1 : Droit fiscal marocain
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